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En Birmanie, une importante capitale régionale tombe aux mains de la résistance antijunte

Il aura fallu un peu plus de deux mois à une alliance de guérillas ethniques birmanes pour prendre, le 5 janvier, la ville de Laukkai, à la frontière chinoise, après que plusieurs milliers de soldats et officiers de la Tatmadaw, les forces armées birmanes, ont rendu les armes.
Le camouflet est cuisant pour la junte militaire birmane, qui dirige le pays depuis le coup d’Etat du 1er février 2021 et doit faire face à une coalition de « forces révolutionnaires » sur un nombre croissant de fronts : cette défaite s’accompagne de la reddition de 2 389 personnels militaires, dont six généraux de brigade. C’est « la plus importante reddition de l’histoire de l’armée birmane », a réagi sur le réseau social X, le 6 janvier, l’expert birman des questions militaires, Ye Myo Hein.
Laukkai est la capitale d’une enclave de 150 000 habitants appelée Kokang (dans le nord de l’Etat Shan), dont la population parle chinois et a longtemps été récalcitrante, comme toute la périphérie ethnique de Birmanie, à la tutelle du gouvernement central. Elle avait été conquise, sans combat, par l’actuel chef de la junte birmane, Min Aung Hlaing, en 2009, alors qu’il avait le rang de commandant régional. Devenue son fief, et sans doute une source de financement occulte, Laukkai a prospéré sous son règne de numéro un de l’armée à partir de 2010, puis de putschiste en chef ces trois dernières années, comme une base sophistiquée pour des opérations de cybercriminalité ciblant la Chine.
C’est sans réel combat que l’Armée de l’alliance démocratique nationale du Myanmar (MNDAA), la guérilla historique des Kokang qui avait lancé une offensive surprise contre les positions de l’armée depuis le 27 octobre 2023, a capturé Laukkai : la reddition a été négociée et les personnels ont été transférés avec leurs familles, soit des milliers de personnes, vers la ville de Lashio, où se trouve le centre de commandement régional de l’armée birmane pour le nord de l’Etat Shan.
Les six généraux ont été transportés le 7 janvier jusqu’à Naypyidaw, la capitale birmane, et sont détenus par leur hiérarchie pour enquête, selon les procédures militaires en vigueur. Sur les photos diffusées sur les réseaux sociaux par la guérilla Kokang, plusieurs d’entre eux sont montrés, le jour de leur reddition, trinquant, tout sourire, avec des membres de la MNDAA. Laukkai est le premier « centre d’opération régional » de la Tatmadaw à tomber, sur les six que compte le pays.
« Si la MNDAA avait voulu faire prisonniers les soldats, il lui aurait fallu mener un combat coûteux pour prendre la base militaire, ce qui, ajouté aux frappes aériennes, aurait pu conduire à la destruction de la ville », décrypte Richard Horsey, l’expert pour la Birmanie de l’ONG International Crisis Group. Selon lui, « la Chine n’aurait pas toléré une telle instabilité à sa frontière ». La chute de Laukkai revêt en tout cas, précise-t-il, « une importance symbolique, car elle met en évidence la faiblesse de l’armée birmane et enhardit les forces antirégime dans l’ensemble du pays ».
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