Physical Address

304 North Cardinal St.
Dorchester Center, MA 02124

Un jour, un miracle : « Un inconnu me sauve la vie au passage pour piétons alors que je lis “Le Monde” »

« Nous sommes dans l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle en 2007. C’est Royal-Sarkozy, et les débats sont particulièrement tendus et perturbants. Je suis la campagne avec passion, notamment grâce au Monde, que je lis alors en version papier. J’habite dans le centre-ville de Tours, dans une vieille maison du XVe siècle. Un jour, comme d’habitude, je sors du parking, passe chez le marchand de journaux et prends le journal pour rentrer chez moi.
Je m’apprête à traverser la rue Nationale, le nez plongé dans les pages politique, au bord de la chaussée. Je suis complètement absorbé dans ma lecture, lorsque je sens une force qui me tire vivement en arrière par mon sac à dos. Croyant à une agression, je serre les poings, me retourne et tombe nez à nez avec le visage souriant d’un homme qui me regarde. Du coin de l’œil, au même instant, je vois une ombre bleue et je sens quelque chose me frôler l’épaule. C’est un bus.
Ce monsieur a simplement souri, ne m’a rien dit, pas un mot. Je l’ai énormément remercié, il a traversé et a disparu dans la foule. C’était fini. Il m’avait sauvé la vie. J’étais sonné, et je n’ai pas eu la présence d’esprit de le rattraper pour lui proposer d’aller boire un pot.
J’ai du mal à mettre les mots sur ce que cet événement a produit chez moi. J’étais dans ma bulle, enfermé sur moi-même – comme je le serais aujourd’hui avec l’écran de mon smartphone. Par quel concours de circonstances se trouvait à mes côtés cet homme attentif aux autres, ouvert sur le monde, contrairement à moi ? A-t-il conscience de m’avoir sauvé la vie ? L’éprouve-t-il ? Ai-je suffisamment marqué ma reconnaissance ?
Ce qu’il y a de miraculeux, dans ce bref instant, c’est la part de mystère et de hasard qu’il recèle. Il y a neuf ans, mon épouse et moi avons adopté un petit garçon. Son arrivée parmi nous, on pourrait se dire que c’est un miracle, mais pas pour nous, parce qu’il y avait une volonté de notre part, et tout un processus que nous avions engagé. Certes, ce processus portait en lui énormément d’amour et d’émotion, mais il était de notre fait.
Là, avec cet inconnu, c’est autre chose qui s’est ancré en moi. Quand j’ai peur pour quelqu’un qui m’est cher, je pense à ce moment, à la vitesse à laquelle un accident peut survenir, et à l’importance de faire attention aux autres. Je l’ai raconté à mon fils, qui a 10 ans aujourd’hui, en lui présentant ce récit comme un miracle. C’est extraordinaire, lui ai-je dit : quelqu’un a fait attention à moi, alors que je ne faisais attention ni à moi-même ni aux autres.
Il vous reste 25% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

en_USEnglish